|
Trésor monnaitaire de
St Léonard
|
|
Histoire et
importance d’une découverte
Il y a vingt ans,
tout le monde pensait que le château de
Mayenne avait été créé
au 11e siècle, comme ceux de Laval et de
Château-Gontier, lors de la naissance des
seigneuries héréditaires. Or, en
1993, à l’occasion de travaux dirigés
par l’architecte Jacques-Henry Bouflet, des arcades
en briques ont été découvertes
dans les murs. Ce mode de construction étant
inconnu au 11e siècle dans notre
région, une intervention
archéologique a commencé. Par la
datation radiocarbone de charbons de bois, elle a
mis en lumière l’hypothèse d’une
construction carolingienne, confirmée
ensuite lors des fouilles générales
effectuées de 1996 à 1999 par
l’Oxford Archaeological Unit, sous la direction de
Robert Early. En même temps, une étude
historique a été entreprise par Annie
Renoux (Université du Maine) pour
éclairer le contexte dans lequel ce monument
a été bâti.
À l’issue
des fouilles, la Ville de Mayenne a demandé
au Conseil général un projet de mise
en valeur du château. Ce projet (J. Naveau) a
abouti, en juin 2008, à l’ouverture au
public du monument et d’un musée.
L’intérêt exceptionnel du
site tient à l’extrême rareté
de l’architecture carolingienne, autre que
religieuse, qui nous soit parvenue. En dehors de
Mayenne, on ne connaît que deux
bâtiments civils de cette
époque : l’un à Oviedo
(Espagne), dans le royaume des Asturies qui ne
faisait pas partie de l’empire carolingien mais qui
entretenait des relations étroites avec
lui ; l’autre à Doué-la-Fontaine
(Maine-et-Loire), où un bâtiment sans
étage, construit vers 900, est
attribué à Robert, comte d’Anjou,
frère du roi Eude et futur roi de France
(922-923). Il faut préciser que le
bâtiment de Mayenne est conservé sur
deux niveaux pour sa partie principale et quatre
pour la tour qui s’y accole.
|
|
Trous
de poteaux
|
|
Naissance du
palais et de la ville de Mayenne
Dans
l’antiquité, la Mayenne était
franchie par la voie Jublains-Avranches au
gué de Saint-Léonard, où
26 000 monnaies ont été
trouvées. Quelques tessons de
céramique du Bas-Empire, provenant du futur
château, ne suffisent pas à prouver
l’occupation du site. En revanche, les fouilles ont
mis au jour de larges trous de poteau
témoignant de la construction, entre le 5e
et le 7e siècle, d’un important
bâtiment en bois. Peut-être
appartient-il à une villa mentionnée
en 778, date à laquelle Charlemagne, qui
l’avait réquisitionnée pour y
installer un vassal, la restitue à ses
véritables propriétaires, les
évêques du Mans.
C’est
l’époque où, face aux Bretons de plus
en plus remuants, le pouvoir carolingien organise
une double zone tampon : la Marche de
Bretagne, de Rennes à Vannes en passant par
Nantes, et en arrière la Neustrie ou
duché du Mans.
Malgré cela,
de 840 à 870, les Bretons multiplient des
incursions qui les mènent jusqu’au Mans et
obtiennent de Charles le Chauve, par le
traité d’Entrammes (863), toutes les terres
jusqu’à l’Ernée et la Mayenne. Puis
la pression bretonne décline vers 870 pour
s’effondrer entre 912 et 919. La reconquête
s’opère notamment grâce à
Roger, gendre de Charles le Chauve, qui est
à l’origine de la dynastie des comtes du
Maine.
C’est dans ce
contexte qu’est fondé le palais de Mayenne.
Construit vers 920 sous le roi Charles le Simple,
il peut être attribué
vraisemblablement au comte Hugues Ier, fils de
Roger (v. 900 - v. 950). Il s’agit bien d’un
« palais », terme qui
désigne un siège du pouvoir public,
confié à un gardien qui le
gère pour le compte du roi ou de son
entourage (par opposition aux
« châteaux » qui sont des
initiatives privées de chevaliers s’imposant
par la force).
Sa construction
s’accompagne de la naissance d’une ville,
résultant de l’abandon de Jublains. Moulay,
agglomération gauloise, puis Jublains,
capitale romaine, enfin Mayenne sont une même
ville née au bord de la rivière et
qui y est revenue après un détour de
mille ans par Jublains.
|
|
maquette du palais
carolingien
|
|
Évolution du
château
Au 11e
siècle, dans un contexte d’affaiblissement
des pouvoirs centraux, les successeurs des
fonctionnaires carolingiens gagnent de l’autonomie
et imposent dans les faits
l’hérédité de leur charge.
Hamon, premier seigneur de Mayenne connu par le
textes, est gardien du château pour les
comtes du Maine au début du 11e
siècle. Puis sa famille se détache de
l’obédience mancelle et développe une
seigneurie châtelaine
indépendante.
Au 11e
siècle, Mayenne participe involontairement
à la concurrence entre Normands et Angevins
pour la domination du Maine. Le château est
pris par Guillaume de Normandie en 1063. Puis, au
milieu du 12e siècle, la région est
rattachée à l’état
Plantagenêt et le site perd sa vocation
frontalière. Le château devient avant
tout un centre résidentiel.
Lors de la
conquête du Maine par Philippe-Auguste, les
seigneurs de Mayenne prennent parti pour le roi de
France, ce qui entraîne une nouvelle campagne
de mise en défense aboutissant à la
construction du donjon circulaire et de la basse
cour. Ensuite le château perd sa fonction
résidentielle : ce n’est plus qu’une
forteresse abritant une garnison. Une
dernière phase de travaux a lieu à la
fin de la guerre de Cent-Ans. À partir des
années 1670 sans doute, ou au moins au 18e
siècle, il ne sert plus que de prison. De
1824 à 1936, c’est une prison
départementale qui connaît en 1826 un
important agrandissement. Les travaux
effectués à l’issue de cette
période donnent au logis sa silhouette
actuelle.
|
|
relevé du mur
carolingien
|
|
Visite du
monument et du musée
Les deux
principales salles de musée ont
été installées dans
l’agrandissement de 1826 pour ne pas encombrer les
espaces carolingiens. C’est par le musée que
l’on entre : la première salle est
consacrée à 1000 ans d’histoire de
Mayenne et présente en particulier les
objets trouvés lors des fouilles du
château. En même temps, une grande
maquette interactive permet de comprendre la
structure et l’évolution du bâtiment,
dont le visiteur découvre la partie
carolingienne sous la forme d’un haut mur en gros
appareil de granite, constituant la face d’une
tour. Ces blocs ont été
arrachés à la forteresse de Jublains
et témoignent de la continuité que
les Carolingiens ont voulu affirmer entre
l’ancienne capitale gallo-romaine et le nouveau
lieu de pouvoir : Mayenne, c’est Jublains
transporté au bord de la
rivière.
Puis, après
avoir aperçu les trous de poteaux illustrant
la phase antérieure à la construction
de pierre, on pénètre dans l’aula, la
salle de réception du palais. Cet espace de
prestige était éclairé par de
nombreuses fenêtres logées sous des
arcades de briques. Un dispositif
d’éclairages animés accompagnant un
commentaire permet de suivre l’évolution
complexe des architectures.
En-dessous, une
salle carolingienne intacte a été
découverte en 1993 puis
dégagée. C’était un cellier,
accessible seulement par l’intérieur du
bâtiment. Son état remarquable de
conservation s’explique par le fait qu’elle a
été comblée de terre
dès le début du 12e siècle,
époque où les seigneurs de Mayenne
ont ajouté un étage au
bâtiment.
À un angle
de la construction carolingienne, une tour
carrée abritait les chambres. On peut y lire
l’évolution des ouvertures rythmant
l’histoire du bâtiment, notamment de celles
donnant sur une tourelle d’escalier, aujourd’hui
détruite sauf sa base, qui desservait les
différents niveaux.
Par un escalier
aménagé au 19e siècle pour les
besoins de la prison, on parvient au niveau du
logis ajouté au 12e siècle. Cette
salle, pourvue de voûtes au 13e siècle
comme l’aula carolingienne, a du caractère
et a été choisie pour
présenter une très belle collection
de pièces de jeu en os - jeu d’échec
et tabula, l’actuel tric-trac ou backgammon - des
10e-12e siècles, trouvées lors des
fouilles. C’est l’un des plus importants ensembles
de ce type trouvés en Europe.
Au même
étage, on peut voir l’un des niveaux de la
tour carolingienne, transformé en chapelle
au 19e siècle, et une salle de musée
dans l’agrandissement de 1826. Cette salle
accueille la section du Musée
archéologique départemental, dont le
centre est à Jublains, consacrée au
Moyen Âge dans l’ensemble du
département. Il a été
jugé en effet que Mayenne, en raison de
l’importance de son palais carolingien, est un lieu
plus approprié que Jublains pour
présenter les collections
médiévales.
La visite se
termine au pied de la façade du
bâtiment, dans une crypte
archéologique aménagée dans le
sol de la cour. Cela permet de voir la base de la
tourelle d’escalier ainsi que les terrasses qui
bordaient le monument, dont la fonction
était sans doute de servir de soubassements
à des portiques au niveau de l’aula.
La cour
elle-même est fermée par un rempart
créé dès l’époque
carolingienne. On voit encore l’entrée du
10e siècle, couverte par un arc en briques.
L’accès actuel se fait par une tour-porte
fortifiée du 13e siècle,
contemporaine de la création de la vaste
basse cour, occupée aujourd’hui par un parc,
par laquelle on quitte le château.
|
|